Association Scientifique Française de Cuniculture

Table ronde-Séance d'actualité 2009
organisée pendant les Journées de la Recherche Cunicole

Comment réduire les coûts de production ?
Réduction des coûts par la voie alimentaire

Deux témoignages ont été présentés dans cette rubrique. Ils ont ensuite été discutés ensemble

    1 - Stratégie à mettre en œuvre pour retrouver des marges de manœuvres en élevage cunicole, présenté par J Duperray (Evialis)
    2 -
Alimentation des futures reproductrices et optimisation du rationnement en engraissement, présenté par C. Briens (CCPA)
    3 -
Discussion autour du rôle de l'alimentation

 

 1 - Stratégie à mettre en œuvre pour retrouver des marges de manœuvres en élevage cunicole

J.Duperray lors de son témoignage

La marge sur coût alimentaire d'un élevage est la différence entre les recettes de l'élevage (ventes) et les dépenses alimentaires. Les recettes dépendent surtout de l'efficacité productive de l'élevage : productivité numérique, poids à la vente, rendement à l'abattage, ... . Les dépenses alimentaires dépendent principlement de l'indice de consommation et du coût des matières premières.

A la demande des élevages pratiquant le rationnement en engraissement, a été développé un aliment adapté au rationnement, plus performant que les aliments classiquement utilisés à volonté, avec un bon niveau de sécurité digestive ; il s'agit d'un aliment Haute Energie (HE), plus concentré en énergie digestible (+ 8 %), en protéines et en acides aminés indispensables tout en restant riche en fibres. L'objectif avec cet aliment est d'obtenir plus de poids à la vente, un indice de consommation plus bas et un rendement plus élevé, c'est à dire de jouer en sens inverse sur les 2 éléments de l'équation déterminant la marge sur coût alimentaire de manière à pouvoir l'accroître de manière sensible.

 
Composition des aliments expérimentés
Aliments
Témoin
Haute Energie
Energie Digestible (kcal/kg)
2525
2725
Protéines (%)
15,5
16,3
Matière Grasse (%)
3,4
4,0
Cellulose brute (%)
16,5
16,3
Matières Minérales (%)
7,2
7,4
Amidon (%)
10,8
13,2
Performance moyenne dans 4 essais (lapins rationnés)
Témoin
Haute Energie
% écart/témoin
- Poids sevrage (en kg)
0,792
0,792
-
- Poids final 68 j kg/lapin
2,361
2,439
+3,3 %
- G.M.Q (g/jour)
43,2
45,5
+ 5,3 %
- Conso. moyenne (g/jour)
114,3
114,7
-
- Indice de consommation
2,69
2,51
- 6,7 %
- Rendement à l'abattage %
57,46
58,40
+1,6 %
Les 4 essais réalisés sur le terrain avec l'aliment HE distribué de la même manière que l'aliment témoin, ont montré une bonne réponse, en particulier pour l'indice de consommation. Le rendement à l'abattage a été lui aussi amélioré d'environ 1 point. A partir de ces données, il a été fait une approche économique dans le contexte de septembre 2009. Dans ce cadre, deux hypothèses ont été faites : soit un paiement strictement au poids vif sortie d'élevage, soit un paiement tenant compte du rendement à l'abattage.
Mode de paiement
aliments rationnés =>
Témoin
Haute Energie
  - Ecart prix aliment à la tonne
-
+12 €
- Consommation d'aliment/lapin
4,149 kg
4,163 kg
- Coût alimentaire pour 1000 lapins
934 €
987 €
Poids sortie pour 1000 lapins
2 361 kg
2 439 kg
Classique
Valeur de 1 000 lapins à 1,62 €/kg
3825 €
3951 €
Au rendement
Prix de vente de 1 kg vif
1,62 €
1,64 €
Valeur des 1000 lapins
3825 €
4000 €
Classique
Marge sur Coût Alimentaire du lot
2891
2964 € (+2,5%)
écart rapporté à la tonne d'aliment
-
17,5 € / t
Au rendement
Marge sur Coût Alimentaire du lot
3825 €
3013 € (+4,2%)
écart rapporté à la tonne d'aliment
-
29,0 € /t

En résumé, la stratégie consistant à utiliser un aliment haute énergie pour les lapins rationnés en engraissement permet d'accroître la marge sur coût alimentaire d'au moins 2,5%, ce qui représente un supplément de revenu de près de 100 € par bande de 1000 lapins. Ce n'est bien entendu qu'une stratégie parmi d'autres, mais celle-ci offre l'avantage de fournir un bon retour sur investissement : payer un aliment adapté un peu plus cher peut permettre d'accroître sensiblement les bénéfices.

 

2 - Alimentation des futures reproductrices et optimisation du rationnement en engraissement
Ce témoignage comportait 2 volets basés sur des expérimentations et des observations de terrain. Le premier concernait le rappel d'un essai déjà publié d'alimentation des futures reproductrices (Briens et al., JRC 2005) faisant intervenir la quantité et la nature des sources d'énergie. Le second volet concernait des observations réalisées dans l'engraissement de différents élevages de terrain pratiquant de rationnement alimentaire.
C. Briens lors de son témoignage

Alimentation des futures reproductrices .Trois régimes alimentaires ont été testé sur 3 x 72 futures reproductrices PS-Hyla de 13 semaines jusqu'à la 1ère mise bas. Les lapines ont ensuite été suivies sur 5 cycles dans des conditions identiques (IA tous les 42 jours). Les deux premiers régimes correspondaient au rationnement les lapines avec un aliment "sevrage" à raison de 135 ou 150 g/jour (S135 et S150). Le 3ème régime (M140) correspondait à l'utilisation d'un aliment "maternité" rationné à 140 g/jour, ce qui permettait de fournir chaque jour aux lapines la même quantité d'énergie digestible que celle reçue par les lapines du lot S150.

Une semaine avant la 1ère IA (pratiquée à 19 semaines) toutes les lapines étaient alimentées à volonté, puis retournaient à leur type de rationnement. A partir de la première mise bas, toutes les lapines recevaient l'aliment de maternité à volonté, à l'exception de la période 27-35 jours après la mise bas pendant laquelle elles recevaient l'aliment de sevrage.

En 5 cycles, le régime M140 a permis de sevrer 17% de lapereaux de plus par lapine mise en place à 13 semaines par rapport au régime S150 avec lequel les lapines avaient pourtant reçu la même quantité d’énergie digestible. Les lapines S135, les plus restreintes au plan énergétique, ont obtenu un résultat intermédiaire. L'avantage du lot M140 était dû pour 40% à une meilleure longévité des lapines et pour 40% à une meilleure fertilité (81% vs 76% de MB/IA), l'effet également positif sur la prolificité ayant été "gommé" par l'ajustement des tailles de portée après la naissance.

Régime avant 1ère mise bas
S135
S150
M140
Sevrés en 5 cycles / lapine départ
27,5
25,6
30,0

Ainsi la composition des aliments utilisés pour l'élevage des futures reproductrices semble avoir plus d'influence sur les performances ultérieures de reproduction que la stricte prise en compte des apports énergétique. Il semble bien que la nature de l'apport quantitatif et qualitatif en protéines de même que les apport vitaminiques soient des éléments également déterminants dans l'élaboration du potentiel reproducteur des lapines.

Les futures reproductrices sont effectivement l’avenir de l’élevage et trop fréquemment on n’y porte pas l’attention requise. Au sein de la structure CCPA ont donc été lancées des campagnes de sensibilisation en élevage avec des outils de suivi de croissance et des procédures de correction en cas d’écart critique dans l'évolution du poids des futures reproductrices par rapport aux courbes attendues.

 

Rationnement en engraissement. En matière de rationnement, les essais réalisés en station expérimentale, les essais GEC et la littérature représentent des sources d’informations intéressantes. Mais l'équipe CCPA a trouvé un autre gisement d’informations au travers des essais terrain en particulier dans des élevages équipés d’un silo supplémentaire, pour croiser essais aliments avec essais plan de rationnement. Enfin un gros travail a été réalisé pour récupérer dans les élevages équipés les données stockées par les automates sur les plans de rationnement, leurs paramètres et les consommations réelles. Ont été associés à ces données les pesées hebdomadaires, les courbes de mortalité, la consommation d’eau, les résultats de GTE bande et les données d'abattoir.
La première démarche a été d’améliorer la gestion des automates au quotidien (calibrage des vis, programmation des modalités de rationnement). C’était un préalable aux actions suivantes.
L ’adaptation du rationnement au poids et âge de sevrage et aux caractéristiques des aliments distribués a ainsi pu être améliorée. Enfin la gestion des refus et la répartition de la quantité d’aliment distribuée sur 24 heures ont été travaillées. Par exemple les distributions ont été faites en 5 ou 6 fois par 24 h, mais en laissant une plage de 12 heures sans aucune distribution.
Cette démarche de rationalisation du rationnement a été mise en place dans 6 élevages "sans reproches", c'est à dire avec un bon état sanitaire apparent depuis plusieurs mois. Sa mise en œuvre a amélioré la viabilité des lapins en engraissement dans 4 élevages sur les 6 avec des diminutions sensibles de l’IC global.
Enfin, les caractéristiques nutritionnelles notamment les fibres, la concentration énergétique et les teneurs en acides aminés indispensables doivent être adaptées pour le rationnement.
Performances observées dans les élevages avant et pendant la mise en œuvre de la rationalisation du rationnement :
3- Discussion autour de la réduction des coûts par la voie alimentaire
Au cours de la discussion il a d'abord été souligné que le risque zéro n'existe pas et que l'état sanitaire initial du cheptel doit être pris en compte par exemple avant d'accroître la concentration énergétique des aliments d'engraissement. A ce propos J. Duperray a précisé que dans l'essai qu'il a présenté, la mortalité n'a pas été mentionnée car pratiquement nulle dans les essais réalisés dans le bonnes conditions sanitaires initiales. Mais le même essai avec l'aliment HE a été répété aussi 3 fois dans des conditions sanitaires dégradées avec présence d'entéropathie épizootique (EEL). Il n'y a pas eu de différence significative de mortalité par rapport au lot témoin, même si les valeurs numériques étaient un peu inférieures avec l'aliment HE: 8,3% de pertes contre 12,5% avec l'aliment témoin.

Il a été admis qu'un aliment "haute énergie" n'est pas nécessairement conseillable dans toutes les situations. Par contre la recherche d'aliments d'engraissement ayant une composition spécifique adaptée aux conditions de rationnement (teneurs en énergie, mais aussi en protéines, fibres, vitamines, ...) semble bien être une voie d'avenir pour réduire les coûts de production. L'utilisation d'aliments plus concentrés que les aliments classiques d'engraissement est parfois délicate à mettre en oeuvre dans les jours suivant le sevrage, mais elle pourrait avoir toute sa place au cours des dernières semaines d'engraissement, à condition bien entendu que le rationnement soit maintenu jusqu'à la sortie des lapins pour l'abattoir.

 

La discussion a continué sur l'intérêt pour l'élevage cunicole de travailler l'alimentation des lapines futures reproductrices, sans oublier la possibilité d'apporter certains éléments par l'eau de boisson. Il a toutefois été admis que les expérimentations sur les futures reproductrices sont très lourdes à conduire et donc plus rares: il faut un cheptel important par lot et les essais durent en général environ une année contre 6 semaines par exemple pour un essai d'engraissement. Bien que la préparation des lapines futures reproductrices soit un des éléments clé de la productivité des élevages, il est à craindre que cette catégorie d'animaux reste le "parent pauvre" des expérimentations si une attention toute particulière ne leur est par portée.

 

Suite du compte rendu de la table ronde 2009


Réduction des coûts par la voie génétique

 

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