Suite de la table ronde 2005

Effets des conduites post-sevrage sur les performances et la santé des lapereaux

Le matériel et le bâtiment d'élevage

Dans cette partie de la table ronde, 3 témoignages ont été présentés. Ils concernent la réaction des lapins rationnés en fonction du mode de distribution de la ration, l'intérêt de la gestion "Tout vide Tout plein" vu à travers la gestion technico-économique des élevages, et enfin l'effet du type d'habitat sur les performances dans un cas particulier.

 

Le premier témoignage présenté par F. Tudela et F. Lebas sous le titre "Comportement de lapins soumis à différents modes de distribution" correspondait à la synthèse de 3 mémoires de stage réalisé à la Station Expérimentale Lapins (SELAP , INRA - Toulouse). Le travail a été initié à la suite de 2 constats. D'une part il a été clairement démontré qu'un rationnement alimentaire permet de réduire sensiblement l'incidence de l'entérocolite et d'autre une étude antérieur conduite à la SELAP a démontré que dans les système de cages polyvalentes, un tiers des lapines reproductrices ne consomment qu'à un seul poste de consommation, laissant l'aliment "stagner" dans l'autre partie de la mangeoire. Il a donc été tenté de répondre expérimentalement à 2 questions : combien de postes de consommation sont nécessaires à un groupe de lapins rationnés en engraissement et comment distribuer la ration quotidienne (combien de fois par jour). Ces travaux ont été conduits dans une situation sanitaire normale, la mortalité variant de 2 à 5% d'un essai à l'autre.

 

Le nombre de postes de consommations disponible pour des lapins élevés à raison de 6 par cage n'a pas d'incidence sur leur croissance, qu'ils soient nourris à volonté ou rationnés à 80% ou même 60% de l'ad libitum (calcul de l'ajustement 2 fois par semaine)
Le fait pour les lapins rationnés de ne disposer éventuellement que d'un seul poste de consommation pour 6 n'a pas entraîné d'accroissement de l'écart type du poids des lapins en fin d'engraissement. Autrement dit, les lapins ne sont pas plus hétérogènes avec 1 qu'avec 2 ou 4 postes de consommation à leur disposition.
   
Dans la même série d’études, l’effet du nombre de postes de consommation a été abordé avec des cages volontairement hétérogènes (2 petits, 2 moyens et 2 gros lapins dans chacune des 20 cages de chaque lot). Les poids finaux ou les écart types ne sont pas significativement différents entre les lapins rationnés disposant d'un seul ou de 4 postes de consommation.
-
A volonté
Rationnés à 80%
Nb postes
4
1
4
Poids final g
2287
2037
2048
écart type g
228
234
239

En conclusion, les auteurs ont souligné que le fait de ne proposer qu’un seul poste de consommation pour 6 lapins n’a pas conduit à un accroissement de l’hétérogénéité intra cage. Autrement dit, les gros lapins n’ont pas empêché les petits de consommer leur ration.

 

Dans un 3e essai de cette série, des lapins rationnés à 85% ont reçu leur ration en 1 ou en 2 repas par jour (à 12 h d’intervalle) et disposaient de 1 ou de 2 postes de consommation pour 6 lapins (poids homogènes intra-cage au départ– 20 cages par lot). Aucun effet significatif n'a été décelé ni pour le poids vif final ni pour l'écart type intra-cage

rationnement
85%
pour tous

Nb repas
par jour
Nb poste consom.
1
2
1
2
Pds final
2000
1982
2003
1979
écart-type
105
98
107
97

Ni le fait de fractionner la quantité distribuée, ni l’attribution de 2 postes de consommation par cage n’offrent d’avantage pour la valorisation de la ration quotidienne dans cet essai.

Enfin, les auteurs ont étudié la vitesse de consommation de la ration chez des lapins rationnés à 85% disposant d'un ou de deux postes de consommation (cages de 6) et dont la ration était distribuée en 1 fois (le matin à 8 heures) ou en 2 fois par jour (8 h et 20h). Un lot de lapins nourris à volonté servait de témoin.

Pour tous les lapins rationnés, environ 40% de la ration quotidienne sont consommés au cours de l'heure suivant la distribution. Chez ceux qui reçoivent 2 repas par jour, l'allocation du matin est pratiquement terminée 2 heures après la distribution, sans variation en fonction du nombre de postes de consommation. Chez ceux qui reçoivent toute l'allocation quotidienne en 1 seule fois, la ration est totalement consommée 5 heures après la distribution, s'ils ne disposent que d'un poste de consommation pour 6 lapins. Par contre, s'ils disposent de 2 postes, 8 heures après la distribution il reste encore 10% de la ration dans la mangeoire. Le durée et le positionnement du "jeûne quotidien" dépendent donc dans ce cas du nombre de postes de consommation disponibles.

NB : les résultats expérimentaux complets correspondant à ce témoignage ont été publiés ultérieurement sur Internet dans la revue CUNICULTURE Magazine :
http://www.cuniculture.info/Docs/Magazine/Magazine2006/mag33-021.htm

 

Au cours de la discussion qui a suivi ce témoignage largement étayé, il a été souligné que ces résultats vont un peu à l'encontre de certaines idées antérieures qui, sur la base d'une éventuelle compétition, prônaient un rationnement très fractionné et un nombre de postes de consommation presque aussi important que celui des lapins dans la cage. Le fait, pour les lapins de ne disposer que d'un seul poste de consommation pour 6 ou d'un seul repas par jour, n'a pas augmenté l'agressivité des animaux. En effet les auteurs ont précisé qu'aucun cas de morsure ou griffure n'a été observé avant l'âge de 56 jours. Les cas observés au-delà de cette date ont concerné au plus 6% des cages réparties de manière aléatoire entre les divers traitements. 

Il a été aussi été souligné que ces résultats ont été obtenus dans des conditions sanitaires satisfaisantes (mortalité maximal de 6%). Il conviendra de voir désormais dans quelle mesure une ration distribuée un fois par jour dans un seul poste de consommation pour 6 permet de contrôler l'EEL et les troubles digestifs en général, puisque la seule justification du rationnement reste le contrôle de l'état sanitaire des lapins en engraissement. Le moment optimum de distribution de la ration sur le cycle de 24 heures devra aussi faire l'objet d'investigations plus poussées.

 

Le second témoignage, présenté par M. Colin (Copri) correspondait à la comparaison des performances de 4512 lapins d'un même élevage situé à la pointe bretonne, engraissés soit dans un bâtiment classique, soit dans des cages placées en plein air (voir photos ci-dessous) sans supplémentation aucune, entre juillet 2004 et mars 2005.
L'analyse des performances des 6 bandes successives montre que la mortalité et la croissance des lapins ont été en moyenne plus favorables dans le bâtiment qu'en plein air.

Globalement les lapins engraissés dans le bâtiment ont eu une mortalité de 8,0% et ceux élevés en plein air une mortalité de 11,5% (P< 0,001). A la vente (72 jours), les lapins élevés en bâtiment pesaient en moyenne 2393 g et ceux élevés en plein air seulement 2269g soit 5% de moins. Il convient aussi de souligner l'amplitude des variations de croissance d'une bande à l'autre alors que l'aliment était rigoureusement le même : aliment fabriqué sur place avec la même formule et avec les mêmes matières premières stockées. Cette amplitude était légèrement plus importante dans le bâtiment qu'en plein air. L'écart le plus élevé observé pour la bande 3 entre les 2 modes de logement correspond à des lapins mis à engraisser début octobre 2004.

 

Lors de la discussion qui a suivi ce témoignage, il a été souligné qu'il ne s'agit que d'un cas particulier, mais qui illustre une situation réelle : l'élevage en plein air altère le croissance des lapins, ce qui est assez classique. Mais contrairement à une idée souvent reprise, la viabilité n'est par nécessairement meilleure en plein air que dans un bâtiment.

L'une des explications proposées est que les lapins en plein air subissent des amplitudes thermiques beaucoup plus importantes au cours de la journée et qu'il existerait une corrélation positive entre les amplitudes thermiques supportées par les lapins et l'ampleur de la mortalité constatée. Ce point mériterait toutefois d'être vérifié sur un grand nombre d'élevage, ce qui est assez facile avec de simples thermomètres mini-maxi placés au niveau des lapins et relevés tous les jours.

 

Le troisième témoignage présenté dans cette partie par Y. Rugraff (CAVAC) concernait cette fois une analyse de groupe faites à partir des performances des élevages de la CAVAC pratiquant ou non une conduite en bande dans le système "tout plein - tout vide". En fait, environ 1/3 des élevages du groupement vendéen utilisent ce système. Leurs performances ont été comparées à celles des 2/3 restant pratiquant majoritairement une conduite en bande avec cellules de maternité et d'engraissement spécialisées.

Le système "tout plein - tout vide" permet d'accroître de 1,2 kg le poids de lapins vendus par insémination. Cela est principalement le résultat d'une réduction de 3 points de la mortalité en engraissement et d'un accroissement de 2 points de taux de mise bas par rapport aux inséminations effectuées.

Pour l'organisation du travail, le système "tout plein - tout vide" permet à une personne de s'occuper d'un élevage de 500 cages mères (environ 620-650 lapines physiques) en travaillant 35 heures par semaine. Ce bon niveau de productivité de la main œuvre est permis par exemple par des opérations de sevrage plus simples (c'est la lapine qui est déplacée), par l'utilisation de boites à nid jetables et par le fait que le nettoyage-désinfection d'un bâtiment donné ne revient que toutes les 12 semaines.

Enfin, au plan économique, les éleveurs de la CAVAC utilisant le système "tout plein - tout vide" ont eu un revenu de 2,85 € plus élevé par insémination réalisée, par rapport à leurs collègues ne pratiquant pas cette technique. Cela représente un revenu supplémentaire de 1650 € par bande pour un élevage de 500 CM. Ce bénéfice supplémentaire est la conséquence de la meilleur productivité déjà mentionnée, mais aussi d'une réduction des charges alimentaires avec un meilleur indice de consommation global et d'une réduction du nombre de lapins saisis à l'abattoir.

Le seul point négatif du système "tout plein - tout vide" est qu'il nécessite un investissement initial sensiblement plus important que l'élevage avec cellules spécialisées.

 

Lors de la discussion qui a suivi ce témoignage il surtout été souligné que ce type d'analyse comparatif est malheureusement trop rare. En effet, il pourrait servir à guider les éleveurs dans leurs choix lors des modifications d'élevage, voire même les inciter à modifier la structure même de leur élevage.
 

les autres parties de la Table ronde 2005

                                     L'aliment (composition, produits ajoutés, ...),
                                     Le sevrage
(plus ou moins précoce),
                                     Le bâtiment et le matériel
(gestion du rationnement, tout vide tout plein, type d'habitat) et
                                     La conduite d'élevage (comportement des animaux et bonnes pratiques)
.

 
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