31 janvier 2017 - Journée d'étude ASFC «Qingdao -Ombres & Lumières»
Qualité de la viande et des produits
Les apports lors du 11ème Congrès Mondial de Cuniculture

par

Marie BOURIN* et Chantal DAVOUST**

* ITAVI, URA - INRA Centre Val de Loire, 37380 NOUZILLY
** INZO°- Rue de l'église - BP 19 - Chierry - 02402 CHÂTEAU THIERRY Cedex

 

1- INTRODUCTION


C. Davoust et M. Bourin lors de leur intervention

La session " Qualité de la viande et des produits " a permis la production de 16 communications, soit 7,3% des communications produites dans le cadre de ce congrès (Tableau 1). Cette proportion est plus faible que celle observée en 2008 à Vérone et 2012 à Sharm El-Sheik.


Tableau 1 : Nombre de communications sur la viande, présentées lors des derniers congrès
(mis à jour à partir de l'analyse de Combes et Vastel, Ombres & Lumières 2013)

  Les publications provenaient de 9 pays différents (Figure 1) dont près de la moitié (43,7%) étaient issus de pays africains, 1 quart de l'Europe et 1 quart de l'Asie, les 7 % restants provenant de l'Amérique du Sud.
 

Figure 1 : Répartition des communications de la session "Qualité de la viande et des produits" entre les différents pays (1er auteur)
(mise à jour à partir de l'analyse de Combes et Vastel, Ombres & Lumières 2013)
  La plupart des communications se sont intéressées aux différentes stratégies alimentaires et leurs impacts sur la composition corporelle (Figure 2). Quelques une traitaient de la qualité organoleptique, nutritionnelle et technologique, ainsi que du rendement à l'abattoir.

Les 2 publications de Moumen et al (2016) n'ont pas été détaillées du fait de leur faible intérêt. En effet elles concernent uniquement la caractérisation des lapins d'une population locale (Aurès) qui n'est comparée à aucune autre. Il s'agit essentiellement de résultats descriptifs.
 


Figure 2 : Répartition des communications de 2016 selon les différents thèmes

 

2 - LA CONSOMMATION DE LA VIANDE DE LAPIN AU NIGERIA
 

Papoola et al. (2016) a conduit une enquête visant à évaluer les habitudes de consommation des habitants de Ibadan, capitale et principale ville de l'État d'Oyo, au Sud-Ouest du Nigeria. Après Lagos et Kano, Ibadan est la troisième plus importante ville du pays. Il ressort de cette enquête que sur les 249 personnes interrogées, les répondants étaient essentiellement des hommes ayant un niveau d'étude et des revenus élevés. 67 % des répondants n'avaient jamais mangé de viande de lapin. La non consommation de viande de lapin tenait essentiellement au fait que cela ne faisait pas partie de leurs habitudes et que la viande de lapin est assez peu accessible sur le marché. Les auteurs préconisent de faire la promotion de la viande de lapin en appuyant sur les qualités nutritionnelles de cette viande.

Cet essai n'a été réalisé qu'auprès des habitants d'une grande ville, qui ne sont pas représentatifs de la population du Nigéria. Il aurait été intéressant d'évaluer les différences de consommation de la viande de lapin avec la population rurale, par exemple puisque l'élevage s'adapte bien à des conditions traditionnelles de production. Aucune communication ne relate le nombre d'élevages et leur localisation nigériane. Cette étude souligne le manque de visibilité dans une ville, de cette viande dans un pays en voie de développement.

 

3 - LES STRATÉGIES ALIMENTAIRES VISANT A AMÉLIORER LA QUALITÉ
 
  3.1. - Ajout d'additifs nutritionnels
  Dans cette thématique, 2 articles traitent du statut oxydatif des lapins. Abdel-Khaled et al (2016) ont évalué l'effet de la supplémentation en Sélénium (Se) à différentes concentrations sur l'activité de la Gluthatione peroxidase (GPx) et la qualité de la viande. Les auteurs rappellent que la supplémentation de l'aliment en Sélénium n'est a priori pas nécessaire pour la croissance des lapins. Cependant, le Sélénium est décrit comme jouant un rôle prédominant dans la régulation de la GPx, qui appartient à une classe d'enzymes protégeant les cellules de l'oxydation dans les tissus animaux. Les résultats de leur étude indiquent que l'activité de la GPx augmente avec le niveau de Se jusqu'à une concentration de 0,2 mg Se/kg, et diminue pour les concentrations au-delà. Par ailleurs, la supplémentation en Se joue un rôle au cours de la conservation de la viande à -20°C, notamment en améliorant sa capacité de rétention en eau après 1, 2 et 3 mois de conservation. Par contre, le bénéfice de la supplémentation en Se à 0,2 mg Se/kg sur le statut oxydatif de la viande, ne se voit qu'après 3 mois de conservation, l'effet étant même inversé après 1 mois de conservation.
 


Figure 3 : Effet de la supplémentation de l'aliment en sélénium sur la qualité de la viande

 

 

Mattioli et al (2016) ont quant à eux évalué l'effet d'une supplémentation d'un extrait éthanolique de germes de blé (EWS) distribué dans l'eau de boisson (1,5 mL/jour pendant 50 jours) sur le statut oxydatif de lapins en engraissement. L'extrait éthanolique de germes de blé limite l'oxydation des lipides plasmatiques (43,2 vs 59,5 nmol MDA/mL pour le lot témoin), et ne dégrade pas le niveau d'oxydation des protéines. Par ailleurs, les concentrations plasmatique et musculaire de cholestérol étaient inférieures dans le groupe EWS. L'addition d'EWS semble ainsi améliorer le statut oxydatif du lapin en modifiant le profil phytochimique de la viande (antioxydants, cholestérol), ce qui améliore sa qualité.

Les résultats de ces deux études semblent intéressants mais il est dommage que les auteurs n'aient pas donné d'information sur les performances zootechniques des lapins. L'étude a été réalisé sur 6 et 10 d'animaux par groupe respectivement, ce qui est un effectif faible pour en ressortir des différences statistiques fiables. Aucune estimation du coût de ces supplémentations n'est donnée.

 

  3.2. - Effet de matières premières spécifiques
 

La modification de la composition musculaire en acides gras (AG) a été étudiée dans 2 articles. Dabbou et al (2016) ont évalué les effets de la pulpe de myrtilles sur la qualité nutritionnelle des acides gras du muscle biceps femoris de lapins hybrides (Hypharm), en substituant 50, 100 ou 150 g/kg de l'aliment classique par du marc de myrtilles. Au moment de l'abattage, à 83 jours d'âge, les aliments contenant du marc de myrtilles n'ont pas modifié le pH, la couleur, la perte en eau ni le taux de cendres et de protéines du muscle. Par contre, le profil en acides gras (AG) a été modifié avec une augmentation des acides gras polyinsaturés (AGPI) et des AG n-3, et une diminution des AG saturés (AGS) et mono insaturés. L'aliment à base de marc de myrtille améliore également le ratio AGPI / AGS et AG n-6 / n-3 de la viande de lapin et même la concentration en marc de myrtille la plus faible (50 g/kg).

Dans cette étude (Dabbou et al, 2016), il n'est pas précisé quelles matières premières de l'aliment témoin, ni dans quelles proportions, remplace le marc de myrtille. Par ailleurs, la disponibilité du marc de myrtilles est très restreinte en France. D'autre part, il n'est pas certain que les résultats soient les mêmes pour un abattage plus précoce (70 jours au lieu de 83 jours).

 


Figure 4 :Variations des teneurs en AG en fonction du taux de pulpes de citrus dans l’aliment des lapins

Dans la seconde étude présentée par He et al (2016), la pulpe de citrus a été intégrée à l'aliment à différents niveaux de concentration (7, 14 et 21 %) et son effet a été évalué sur la qualité technologique et composition en AG des muscles longissimus lumborum et de la patte arrière. Le pH des muscles étudiés et les pertes en eau étaient plus élevés chez les lapins nourris avec le la pulpe de citrus et ce, quelle que soit la concentration. De plus, l'ajout de pulpe de citrus semble augmenter les proportions en AG Insaturés (AGI) et poly insaturés (AGPI) dans les muscles étudiés. Les auteurs concluent que la pulpe de citrus a un double intérêt, d'une part au regard de la qualité de la viande et d'autre part d'un point de vue économique.

Dans cette étude, aucune information n'est donnée sur la composition de l'aliment, outre le fait que de la pulpe de citrus a été intégrée à la formule. Par ailleurs aucune information sur le coût de production de l'aliment n'est donnée, il n'est donc pas possible de conclure sur l'intérêt économique de l'introduction de la pulpe de citrus dans l'aliment. Les conclusions sont donc à prendre avec prudence.

 

 

Mendoza-Velàsquez et al. (2016) ont montré que la couleur et le pH de la viande n'étaient pas impactés par la supplémentation en acides gras Omega 3 de l'aliment (40 mg/kg de poids corporel) distribué par voie orale pendant 50 jours. Le poids vif à l'abattage n'a pas été impacté par l'incorporation d'oméga 3 dans la ration alimentaire.

Malheureusement, l'auteur n'a pas étudié le profil en AG de la viande, ce qui manque pour la discussion des résultats. Par ailleurs, l'origine des o acides gras oméga 3 n'est pas spécifiée.

 

Des lapines ont été nourries au moment de la gestation et de l'allaitement avec un aliment enrichi en AG n-3 (oméga 3). Ainsi 3 régimes alimentaires ont été testés durant la phase maternité, 1 classique dit témoin, et 2 enrichis en AG n-3 (huile de poisson ou graines de lin). L'objectif était de vérifier si cette alimentation maternelle enrichie en AG n-3 pouvait modifier l'expression et l'activité de la delta-6 désaturase dans le foie de la descendance. A la naissance, l'activité de l'enzyme ainsi que l'expression du gène étaient sous régulés chez les petits des mères ayant reçu l'aliment enrichi en graines de lin. Par contre, après 20 jours de lactation, le gène était surexprimé dans le foie des lapereaux dont les mères avaient reçu l'aliment enrichi en huile de poisson. La supplémentation de l'aliment maternel en AG n-3 a modifié le métabolisme des acides gras des lapereaux essentiellement pendant la période d'allaitement.

L'ajout d'huile poisson n'est pas autorisé en France en nutrition animale, par ailleurs, il peut comporter des risques d'inappétence de l'aliment pour le lapin. Quid des effets de cet enrichissement en AG n-3 sur la phase d'engraissement ?

 

Enfin Ayandiran et al. (2016) ont étudié la qualité de la carcasse et la composition sanguine de lapins nourris avec des restes de pain de l'industrie boulangère (riche en énergie, à faible teneur en fibres mais à haute teneur en vitamines) et des feuilles de Moringa oleifera (fourrage de haute qualité). Pour ce faire, les restes de pain et les feuilles de Moringa oleifera sont venus en remplacement de l'alimentation dans différentes proportions (0, 25, 50 et 100 %). Aucune différence significative n'est observée concernant le poids à l'abattage. Par contre les animaux nourris exclusivement avec les restes de pain et les feuilles de Moringa oleifera avaient des pattes avant et arrière plus grosses que celles des autres lapins. Par ailleurs, le taux de cholestérol dans le sang était inférieur, et la concentration en globules rouge supérieure, pour les lapins nourris avec les restes de pain et les feuilles de Moringa oleifera et ce quel que soit le niveau d'intégration dans la ration alimentaire. De plus, le taux de protéines dans le sang était supérieur chez les lapins nourris exclusivement avec les restes de pain et les feuilles de Moringa oleifera comparé aux 3 autres traitements.

L'emploi des restes de pain et des feuilles de Moringa oleifera semble être une bonne alternative dans des pays en voie de développement à une alimentation classique étant donné que les performances de croissance ne sont pas affectées. Cependant aucune information n'est donnée sur la qualité nutritionnelle ou organoleptique des produits.

 

4- LES EFFETS DE L'ÂGE À L'ABATTAGE SUR LA COMPOSITION ET LE RENDEMENT EN CARCASSES
 

L'effet de l'âge à l'abattage sur la composition de la carcasse a été évalué dans 2 articles. Li et al. (2016) ont évalué les conséquences d'un abattage à 60, 70 et 80 jours sur la composition en AG, la teneur en cholestérol, eau, cendres, protéines et gras intramusculaire de deux muscles que sont le Longissimus dorsi et la patte arrière. D'après les résultats, la viande des lapins abattus à 70 jours présentait le meilleur profil en AG (forte proportion des AGPI), ainsi qu'une faible teneur en cholestérol et en gras intramusculaire.

North et al. (2016) ont examiné les rendements de différentes parties de la carcasse pour 2 lignées (Californien et croisé Hollandais rouge x Californien) à différents âges. Les lapins étaient abattus toutes les 2 semaines entre 9 et 17 semaines d'âge. Les résultats de cette étude montrent qu'un abattage à 13 semaines permet d'améliorer le rendement des morceaux de la carcasse à forte valeur ajoutée. Par ailleurs, la lignée de Californien semble obtenir de meilleurs rendements que la lignée croisée.

Contrairement à ce qui est annoncé dans le titre, aucune valeur sur la composition de la carcasse n'a été mesurée. De plus, l'aliment distribué n'était pas optimisé pour les lapins puisqu'il s'agissait d'un aliment pour veaux. Dans les 2 articles, aucune information n'est fournie sur la composition en matière première de l'aliment distribué aux lapins, ni sur les modalités de distribution de la ration.

 

5 - TRANSFORMATION DES PRODUITS
 

Wang et al (2016) ont mesuré les transferts de masse de la viande lors du saumurage à différentes concentrations en sel (5, 10, 15, 20 et 25 % NaCl w/w). Le gain de poids et la teneur en eau de la viande diminuent alors que la teneur en sel augmente quand la concentration en sel de la saumure augmente.

L'auteur annonce dans son résumé que la structure des myofibrilles ainsi que la texture de la viande seront également analysées, ors aucun résultat n'est présenté sur ces deux points. Par ailleurs, l'intérêt de ses travaux n'est pas explicité. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi il cherche à voir les effets du saumurage sur la viande de lapin. Est-ce pour trouver un nouveau moyen de conservation ou de préparation de la viande ? Aucune indication ne nous permet de répondre.

6 - DEVELOPPEMENT DE METHODES POUR ANALYSER LA QUALITE DES CARCASSES.
 

Donko et al. (2016) ont mis au point un système de mesure par tomographie de la composition corporelle en matières grasses chez le lapin vivant. Les meilleurs résultats sont obtenus pour les coupes de 2 mm avec une correction morphologique. Le coefficient de corrélation de Pearsons entre l'estimation du taux de la quantité de gras corporel et la mesure réalisée par dissection est de 0,68. Cette méthode non invasive permet d'évaluer la composition corporelle du lapin vivant, ce qui confère un gain de temps et une meilleure répétabilité comparé à la méthode de dissection.

Plusieurs publications relatent de l'intérêt de la méthode par tomographe notamment dans la session génétique quel que soit le stade de production

7 - ET AUSSI...
 

Une sélection divergente sur la teneur en gras corporel montre que dès la première génération, les lapins des deux lignées présentent des taux d'engraissement différents (Szendro et al, 2016). Ces différences s'accentuaient à la deuxième génération.

Cette communication est étroitement liée à la génétique. Les objectifs de l'études ne sont pas définis : intérêt de produire des carcasses moins grasses ? De connaître les composantes génétiques liées à l'engraissement ?

 

L'identification des composés volatiles présents dans la viande de lapin a été réalisée afin de mieux comprendre ce qui caractérise son odeur. Au total, 35 composés volatiles ont été identifiés et quantifiés par spectrométrie gazeuse tels que des aldéhydes, alcool, acides, composés hétérocycliques et esters. Les aldéhydes ressortent comme étant les composés clé de l'odeur de la viande de lapin, et sont également ceux pouvant être à l'origine d'une odeur désagréable. Par ailleurs, la concentration de ces composés était supérieure dans la viande des mâles comparée à celle des femelles.

Ces informations sont déjà connues dans d'autres espèces (viande des mâles plus odorante que celle des femelles). Intérêt de cette étude ?

8 - CONCLUSION
 

Les communications consacrées à la qualité de la viande et des produits, ont conforté un certain nombre d'acquis.
Certaines études manquent de rigueur scientifique (effectifs trop faibles, non communication de la composition des aliments…) et l'attribution de certaines communications aux différentes sections ne semble pas toujours judicieuse par rapport au thème choisi.

Beaucoup d'études portent sur l'utilisation dans l'alimentation de matières premières alternatives ou sur l'utilisation de suppléments nutritionnels visant à améliorer la qualité nutritionnelle des produits ou de conservation. Dans la plupart des articles, peu d'informations sont données sur la composition des aliments et les rations distribuées et il est difficile de discuter les résultats sur ces points.

Par ailleurs, l'amélioration de la qualité nutritionnelle passe entre autre, pour les auteurs, par l'amélioration du profil en AG de la viande de lapin. Compte tenu de la faible teneur en AG dans la viande de lapin, l'intérêt nutritionnel d'un enrichissement en AGPI sera sans doute assez limité pour l'homme.

De plus, aucune étude n'a été présentée sur le rendement carcasse alors que tous les facteurs explicatifs sont loin d'être connus.