5 février 2009 - Journée d'étude ASFC « Vérone - Ombres & Lumières »


Croissance, qualité de la carcasse et de la viande
lors du 9ème Congrès Mondial de Cuniculture

par

Vérane GIGAUD* et Jean-Luc MOUSSET**

*ITAVI, URA-INRA, 37380 Nouzilly,
**TECHNA, Les Landes de Bauche, BP 10 , 44220 Couêron



J.L. Mousset et V. Gigaud lors de leur présentation

 


Figure 1 :Nombre de communications sur la croissance et la qualité de la viande de lapin, présentées lors des 3 derniers Congrès, en fonction des pays (1er auteur)

 

Avec un total de 32, les communications consacrées à la croissance et à la qualité de la viande, ont réprésenté à Vérone 11,3% de l'ensemble des communications du congrès, en nette progression par rapport aux précédents congrès comme l'indique le tableau 1. Il faut également souligner l'accroissement du nombre des pays ayant présenté des comminications.


Tableau 1 : Communication sur la viande présentées lors des derniers Congrès
Années des Congrès
2000
2004
2008
Nombre de communications
20
19
32
% de l'ensemble des communications
8,8
8,2
11,3
Nombre de pays (1er auteur)
6
8
11

Comme lors de chaque Congrès, c'est l'Italie qui a présenté le plus grand nombre de communications : 11 sur 32. Elle est est suivie de l'Espagne et de la Hongrie (figure 1). Sur l'ensemble des communications présentées lors des 3 derniers congrès, la France ne vient qu'en 4ème position à égalité avec la Pologne. Signalons enfin que lors du congrès de Vérone, la très grande majorité des communications provrenaient de pays européens (28/32) contre 3 pour l'Afrique (Bénin, Egypte, Tunisie) et une seule des Amériques (Mexique).

Au cours du congrès, tous les domaines de qualité on été évoqués. En effet, la qualité liée aux performances de l'animal, la qualité des carcasses et enfin les qualités de viande (nutritionnelle, sanitaire, technologique) ont été abordés. La synthèse d'Hernández intitulée " amélioration de la qualité nutritionnelle et sanitaire de la viande de lapin " annonce qu'aujourd'hui la filière mondiale se préoccupe de la qualité au sens large.

Le présent article a pour objectif de synthétiser les communications novatrices sur la qualité. Pour cela il est divisé 3 en parties correspondant aux différents domaines de qualité.

 

QUALITÉ NUTRITIONNELLE ET LEVIERS D'AMÉLIORATION
.1. Valeur nutritionnelle de la viande de lapin  

De nombreuses études recensées par Hernández dans sa synthèse se sont intéressées à la valeur nutritionnelle de la viande de lapin (Combes, 2004 ; Dalle Zotte, 2004, Combes et Dalle Zotte, 2005, Hernández et Gondret 2006) et démontrent que la viande de lapin possède de nombreux atouts. Caractérisée comme une viande maigre, riche en protéine avec un niveau d'acides aminés essentiels non négligeable, la viande de lapin se démarque des autres viandes sur d'autres critères. En effet, sa teneur en micronutriments disponibles comme les vitamines et minéraux lui confère des propriétés différentes des autres produits carnés. Le lapin contient aussi du zinc, du cuivre, du sélénium qui sont de puissants antioxydants nécessaires au maintien des fonctions cellulaires.

De plus, la viande de lapin contient peu de cholestérol et possède un taux d'acides gras poly insaturés (AGPI) élevés. Toutefois, si ce taux élevé d'AGPI permet à la viande de lapin de se démarquer des autres viandes, la volonté de la filière mondiale semble vouloir dépasser ce niveau et souhaiter promouvoir la viande de lapin comme un aliment fonctionnel (qui diminue le risque de maladie) en augmentant la teneur en acide a-linolénique C18 :3 n-3 et en optimisant le rapport n-6/n-3. Pour cela différents leviers ont été étudiés.

 

2. Impact du système d'élevage  

Trois communications ont testé l'influence du mode d'élevage plein air vs cage sur la qualité des viandes (Mugnai et al., Italie ; Pinheiro et al, Portugal ; Preziuso et al. Italie). Ces auteurs s'accordent pour conclure que l'accès à un parcours herbeux diminue certes les performances zootechniques mais ne modifie pas le rendement en carcasse. De plus, la qualité de la viande est améliorée et ce quelque soit le muscle étudié. En effet, l'accès au parcours permet aux animaux de se déplacer davantage, et d'ingérer de l'herbe riche en AGPI. Ainsi, le pourcentage en lipides est diminué et ces derniers sont de bonne qualité puisque la teneur en C18 :3n-3 augmente et le rapport C18 :2 n-6/ C18 :3n-3 diminue (tableau2) . De plus, d'après les tests de qualité technologique, la viande est plus ferme pour les lapins élevés en plein air et les os sont plus résistants.

Au regard de ces résultats, il semblerait que ces effets puissent être attribués en majorité à la consommation d'herbe, par conséquent, le régime alimentaire semble être un facteur de variation de la qualité des lipides.

 

Tableau 2
3. Impact du régime alimentaire  

Comme le souligne Hernández dans sa synthèse, le profil en acides gras de la viande de lapin est fortement affecté par la composition lipidique de son régime.
Effectivement, quelques soit la source utilisée, huile de lin et tournesol (Zsedely et al, Hongrie), huiles de colza et de poisson (Kowalska, Pologne), huile de lin (Bielanski et al, Pologne) ou encore graine de lin et luzerne (Gigaud et Combes France ; Maertens L., Belgique), l'ajout d'aliment riche en omega 3 dans le régime des lapins modifie fortement le profil en acides gras de leur viande (tableau 3).

Tableau 3

    Dans tous les cas présentés lors du congrès, aucun effet sur les performances de croissance n'a été relevé, ni sur la qualité technologique de la viande (pHu, et couleur), (Pla et al, Espagne, Maertens et al, Belgique). En revanche, un effet positif sur la teneur en AGPI et plus particulièrement en omega 3 est obtenu par l'ensemble des auteurs ce qui engendre un meilleur ratio omega6/omega3, accompagné d'une baisse en acides gras saturés (AGS) et en cholestérol. Maertens et al, et Gigaud et Combes mettent en évidence que cet effet bénéfique peut être obtenu sur une courte période de distribution de l'aliment (2 semaines) et permettrait donc de limiter les coûts de production.
De telles modifications du profil en acides gras peuvent toutefois engendrer une plus forte sensibilité à l'oxydation des lipides et risquent de provoquer une flaveur du produit non désirée. Ainsi, les différentes communications précisent bien que l'incorporation de vitamine E couplée ou non avec la vitamine C (Selim et al., Egypte) permet de pallier à l'oxydation des lipides (TBARS diminue) sans affecter la qualité technologique du produit (couleur et pHu) (Virag, Hongrie). Toutefois, deux études ont réalisé des analyses sensorielles et il s'avère que le jury n'a perçu aucune différence entre les régimes (Kowalska, Pologne ; Bielanski et al, Pologne ; Hernández P, Espagne), et pourtant Zsedely et al., ( Hongrie) précise que la cuisson du produit n'altère pas le profil en acides gras.

La viande de lapin présente donc de nombreux atouts qui peuvent être modulés par l'alimentation ou le mode d'élevage optimisés.

 

QUALITÉ DES CARCASSES, RENDEMENT MATIÈRE ET QUALITÉ TECHNOLOGIQUE
   

Le rendement matière reste de loin la préoccupation principale des professionnels. Toutefois, la qualité du produit notamment sa qualité technologique (pHu, couleur, perte en eau) est de plus en plus étudiée afin de connaître l'incidence de certaines pratiques d'élevage ou d'abattage sur l'ensemble de ces paramètres.

 

1. Impact du rationnement  

La restriction alimentaire est une pratique courante qui permet de réduire les problèmes digestifs après sevrage et l'adiposité des carcasses.
L'effet du rationnement sur les performances zootechniques et la qualité a été présenté à plusieurs reprises lors du congrès.
D'après les résultats présentés, le rationnement diminue significativement le poids vifs des animaux (2368g vs 2509g); (Metzger et al, Hongrie). Selon les auteurs, le rendement en carcasse diminue de 1,37 % à 3,6% (Metzger Hongrie, Bovera et al, Italie). Toutefois, l'impact de la restriction sur le rendement à l'abattage n'est pas toujours démontré et dépend du type de restriction (hydrique ou alimentaire) et de l'animale restreint (mère ou lapereaux). D'après BenRayana et al.(Tunisie) la restriction hydrique n'a pas d'impact sur les performances zootechniques et les rendements, en revanche elle permet de limiter l'adiposité des carcasses, et ce dès deux heures/ jour de restriction du sevrage à l'abattage. En effet, le rationnement permet dans tous les cas de réduire la teneur en gras de la carcasse, notamment le gras interscapulaire (0,48% vs 0,16%). Il ne modifie pas la proportion des organes (Bovera et al.,) ni la qualité technologique de la viande. Les mêmes effets sont obtenus avec une restriction hydrique de 2 ou 4 heures (Ben Rayana et al,).
Il faut cependant faire attention lorsqu'on pratique le rationnement lors de fortes chaleurs, les animaux sont en état de stress et l'on observe des rendements en carcasse plus faible.

 

2. Impact des conditions de pré-abattage  

Les équipes de recherche d'Italie (Bianchi et al ; Petracci et al) se sont intéressées à l'importance des conditions de pré-abattage sur le rendement et la qualité de la viande.
D'après les résultats obtenus, l'allongement de la durée de mise à jeun totale (en élevage + transport + attente) engendre la vidange partielle du tube digestif ce qui a pour intérêt de réduire les contaminations fécales lors de l'abattage. Toutefois, lorsque la durée de mise à jeun augmente, le pHu de la viande est plus élevée, la viande est plus sombre et le pouvoir de rétention en eau est plus important. Néanmoins, les variations observées ne sont pas préjudiciables pour la viande. Ainsi, l'application d'une durée de mise à jeun correcte (9 heures environ) peut aisément limiter les contaminations fécales, améliorer le rendement en carcasse sans détériorer la qualité de la viande (Bianchi et al). L'étude de Petracci et al, avait pour objectif de tester l'impact de la saison, du temps de transport et de l'attente à l'abattoir sur la qualité de carcasses. La saison a un effet non négligeable sur les paramètres étudiés ( mortalité, perte de poids vif, rendement en carcasse, saisies). Le rendement de carcasse est plus élevé en été, mais les défauts sont plus nombreux. Tout comme Bianchi et al., il précise qu'une durée du transport trop longue (5h30) augmente la mortalité des lapins et la perte de poids vifs. Enfin, l'attente sur les quais a un impact uniquement sur la mortalité lorsqu'il s'éternise (4h).
Ces études démontrent bien l'importance des facteurs ante-mortem sur la qualité des carcasses. Toutefois, il est difficile d'optimiser ces facteurs pour les industriels qui sont en flux tendus et doivent gérer les plannings en fonction de la demande.

 

3. Prédiction du rendement à l'abattage  

Jusqu'à présent, la sélection des animaux pour améliorer les rendements et la composition de la carcasse, passe par une sélection sur collatéraux, après abattage, dissection et mesures chimiques. Ces méthodes sont destructives et très couteuses. Ainsi, la mise au point de méthodes non invasives pratiquées in vivo utilisant des techniques telles que l'utrasonongraphie en temps réel (UTR) ou la spectrométrie en proche infra rouge (SPIR) se développe chaque jour. Les deux études menées par l'équipe portugaise (Silva et al) démontrent que l'utilisation de l'UTR permet une bonne prédiction du volume du longissimus dorsi (LD), du poids de la cuisse et de sa teneur en muscle. La SPIR permet également de prédire la teneur en lipides et en protéines de la cuisse, à partir de broyat de cuisses désossées décongelées. Les corrélations des équations de prédiction étaient pour la teneur en protéines et en lipides de 0,975 et 0,990 respectivement (Bazar et al., Hongrie). L'utilisation de la SPIR permet une estimation rapide de la composition de la viande.

 

QUALITÉ SANITAIRE ET MICROBIOLOGIQUE DE LA VIANDE DE LAPIN
   

La sécurité sanitaire des aliments comprend à la fois à la qualité microbiologique, la qualité de la carcasse (saisies) mais également la teneur en résidus (Hernández).

 

1. Qualité microbiologique  

Si la présence de bactéries sur la carcasse inquiète de moins en moins les pays européens grâce à une maîtrise des risques de plus en plus contrôlée, il semblerait que cela reste une forte préoccupation pour de nombreux pays d'autres régions du Monde. En effet, au Bénin, Kpodékon et al. démontrent que 100 % des carcasses étudiées étaient contaminées d'une flore mésophile aérobie et 96,7% des carcasses présentaient des coliformes totaux à des taux variant de 0 à 1400 CFU/g. Staphylococcus est également présent à hauteur de 26%. En revanche, aucune salmonelle n'a été détectée. Cette étude, qui précise que l'abattage des lapins se réalise à la ferme où la chaîne du froid n'est pas du tout respectée. Les auteurs insistent sur l'importance d'investir dans un abattoir industriel plus respectueux de ces normes.

L'étude menée au Mexique par Velazquez et al., souligne quant à elle, que les carcasses commercialisées en boucherie ou sur les marchés présentent 3 fois plus d'E.coli et de S. aureus que celles vendues en supermarché. La viande proposée sur les marchés est en plus contaminée par des salmonelles. Encore une fois, les conditions de stockage ne semblent pas être maîtrisées et présentent un réel risque pour le consommateur.
Il faut toutefois rester prudent quant la "bonne" sitiation des lapins abattus en Europe. En effet, en Italie, un pathogène a été identifié pour la première fois en mai 2005 (Giaccone et al,). Cette bactérie Janthionobacterium lividum provoque une coloration localisée violette des carcasses après 3 jours de stockage à 4°C (figure 2).

Figure 2

   

De plus, une enquête dans 4 abattoirs italiens (Comin et al.) démontre la présence d'entérobactérie et précise qu'il est difficile de respecter les critères d'hygiène en lapin établis pour les autres mammifères par la commission européenne (<103 CFU). De plus, le risque de contamination croisée dans les abattoirs multi espèces est toujours présent et une contamination par Salmonella ou Campylobacter est envisageable dans ce type d'abattoir. Il faut rappeler que le risque zéro n'existe pas, ainsi le bon management de l'environnement, des équipements et celui du process d'abattage mais également des pratiques d'hygiènes sont autant de facteurs qui contribuent à la qualité hygiénique du produit final.

 

2. Les contaminants chimiques   Les contaminants chimiques représentent un autre risque potentiel pour le consommateur, notamment l'utilisation d'antibiotique pour la santé animale est très controversée puisqu'il pourrait développer des résistances chez l'homme. Toutefois, les résidus d'antibiotique n'ont pas fait l'objet de communication lors du congrès. Seule l'étude de Menolta et al (Italie) indique que l'utilisation d'avilamycine pour limiter les maladies digestives n'engendre pas de résidus perceptibles dans la viande ni dans le foie. Il faut cependant rester très vigilant quant à l'utilisation d'antibiotiques qui peuvent s'avérer nuisibles pour le consommateur, car la présence de résidus en faible concentration encourage le développement des résistances, et peut avoir de graves conséquences pour l'homme (Chander et al, 2007).

La présence de polluant organique persistant (POP) comme les dioxines ou les PCB dans la viande représente un risque pour la santé humaine non négligeable, Hernández dans la synthèse, évoque l'importance d'étudier les POP et nous informe qu'un programme Européen de recherche sur le sujet est en cours (Feeding Fats Safety). L'objectif est d'étudier différents aspects de l'alimentation animale afin de préserver la santé animale et produire une viande saine et de bonne qualité.

 

CONCLUSION  

En conclusion, les nombreux articles proposés au congrès mondial de cuniculture à Vérone ont permis d'évoquer l'ensemble des thématiques regroupant la qualité de la filière cunicole. La valeur nutritionnelle de la viande et sa sécurité sanitaire semblent au cœur des préoccupations. Il semblerait que les pays européens cherchent à promouvoir la viande de lapin afin de redynamiser sa consommation, tout en préservant le rendement en viande et la qualité technologique du produit. De nombreux leviers pour améliorer les qualités ont été développés. Les systèmes d'élevage ou le régime alimentaire sont des facteurs déterminants pour la valeur nutritionnelle de la viande. La restriction alimentaire pour préserver la santé de l'animale ne semble pas altérer la qualité de carcasse.

En revanche, les conditions ante-mortem (mise à jeun, transport, attente) sont essentiels pour la qualité de la viande et doivent être pris en compte lors du planning d'abattage. Enfin, les études présentées nous démontrent l'importance d'être toujours vigilant quand il s'agit de sécurité alimentaire. De nouvelles bactéries peuvent toujours émerger. De plus, l'impact de l'homme sur l'environnement peut polluer nos animaux (POP) qui deviennent nocifs pour la consommation humaine.

 

Référence bibliographique citées hors Congrès
    Chander Y., Gupta S.C., Goyal S.M., Kumar K. 2007. Perspectives antibiotics: has the magic gone? J. Sci. Food Agric., 87, 739-742.
Combes S., 2004. Valeur nutritionnelle de la viande de lapin. INRA Prod. Anim. 17, 373-383.
Combes S., Dalle Zotte A. 2005. La viande de lapin: valeur nutritionnelle et particularités technologiques. 11ème JRC, 2005, Paris, France, 167 - 180.
Dalle Zotte A. 2004. Avantages diététiques: le lapin doit apprivoiser le consommateur. Viandes et Produits Carnés. 23, 161 - 167.
Hernández P., Gondret F. 2006. Rabbit meat quality. Recent advances in rabbit sciences. ILVO, Merelbeke, Belgique, 269 - 290.

   
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