Association Scientifique Française de Cuniculture

Les tables rondes
organisées pendant les Journées de la Recherche Cunicole

La séance d'actualité 2013

Déroulement matériel de la session : interactivité
Présentation du thème de la session,
La démarche interprofessionnelle de médication raisonnée
Facteurs humains et utilisation des antibiotiques
Indicateurs d'utilisation des antibiotiques dans 500 élevages
Discussion générale
Conclusion


Compte rendu de séance rédigé par F. LEBAS (Association Cuniculture) secrétaire adjoint de l'ASFC

Lors des 15èmes Journées de la Recherche Cunicole (Le Mans 19 et 20 novembre 2013)
l'ASFC a animé la séance d'actualité le mardi 19 novembre après midi autour du thème:

Médication raisonnée : Comment poursuivre nos progrès ?

Une séance d'actualité interactive

La séance a été animée par Chantal Davoust présidente de l'ASFC.

INTERACTIVITÉ : Outre les traditionnels échanges de questions / réponses entre la salle et les orateurs, cette table ronde a été marquée comme en 2011 par la recherche d'échanges structurés avec la salle. Ainsi, des boîtiers électroniques ont été proposés aux personnes présentes dans la salle. Pour les ~120 personnes présentes , 77 boîtiers ont été utilisés, bien qu'il y en ait eu potentiellement pour tous. Ces boîtiers avaient été aimablement mis à la disposition de l'ASFC par la Sté MSD-Santé-Animale.
A une question posée depuis la tribune avec plusieurs réponses possibles chacun pouvait à l'aide de son boîtier donner la réponse de son choix ou celle qui correspondait le mieux à sa manière de penser. . Le questionnaire avait été préparé et programmé par B. Le Normand, et les questions sont le fruit du travail du conseil d'administration de l'ASFC. Les réponses étaient enregistrées et leur synthèse globale était fournie en direct à la salle moins de 2 minutes après la fin des réponses. Ces différentes questions et les réponses fournies par l'ensemble des professionnels présents dans la salle sont indiquées dans le présent compte rendu.

En outre, a posteriori il a été possible d'analyser les réponses pour les principales catégories professionnelles ou du moins pour celles ayant au moins 10 représentants ayant utilisé les boîtiers. La répartition entre les différentes familles professionnelles figure dans le tableau ci-contre, chacun s'étant identifié lors la première interrogation.

Même s'il ne s'agit que de l'avis des personnes présentes, il convient de souligner que dans leur très grande majorité ces personnes peuvent être qualifiées de "principaux décideurs" au sein de la filière cunicole.

Q1 Répartition des boîtiers électroniques
Catégories professionnelles
Nbre
- 1 Eleveurs
2
- 2 Aliments du bétail (formulation, vente)
30
- 3 Groupements de producteurs
5
- 4 Santé animale (vétérinaires, ...)
11
- 5 Recherche
14
- 6 Abattage et transformation
0
- 7 Organisations professionnelles
3
- 8 -Génétique et Matériel d'élevage
8
- 9 Autres pays producteurs
4
TOTAL
77

En fonction des questions posées, de 69 à 77 boîtiers ont
été utilisés pour répondre. Pour l'analyse par catégories professionnelles, les catégories 1 (éleveurs) 3 (groupements de producteurs) et 7 (organisations professionnelles) ont été regoupées en une seule catégorie "Professionnels Elevage" comportant 10 personnes.

Dans ce compte rendu, pour la présentation des réponses de la salle aux questions, la réponse globale est founie en nombre de réponses réelles et la réponse par catégories professionnelles en pourcentage intra-catégorie. Les réponses sont rapportées aux "boîtiers" plutôt qu'aux personnes sachant que parfois deux personnes physiques se sont cencertées pour répondre avec un seul boîtier.
 



Présentation du thème de la session
Chantal Davoust (ASFC)
Depuis 2006 à l'initiative de l'interprofession cunicole (le Clipp), un travail de sensibilisation des professionnels de la filière a été engagé sur l'utilisation d'antibiotiques en élevage. Au niveau national un plan Eco-Antibio 2012-2017 a été mis en place concernant aussi bien les médecins que les vétérinaires avec un objectif commun "Une seule santé", autour de 3 thèmes particuliers : la grippe aviaire, la rage et la réduction de l'antibiorésistance. Dans le cadre de ce plan, une journée "antibiorésistance" est organisée chaque 18 novembre par l'Anses
La réduction de l'antibiorésistance (celle des microorganismes pathogènes) passe par une réduction générale de l'utilisation des antibiotiques tant en élevage qu'en médecine humaine, et par la préservation de certaines molécules particulièrement sensibles pour la médecine humaine.
Dans le cas des filières animales et de la filière cunicole en particulier, une réduction de l'usage des antibiotiques signifie en réserver l'usage aux seuls cas où la santé des animaux est réellement en danger. C'est donc l'usage des médicaments en général qui doit être mieux raisonné, d'où le titre de cette session d'actualité.

Elle s'est déroulée autour de 3 interventions et d'une discussion générale .

  • Rappel de la démarche interprofessionnelle du CLIPP présenté par Dominique Le Cren (Clipp)
  • Facteurs humains et usages des antibiotiques en filière cunicole : Etude de quelques déterminants psychologiques (Communications préparée dans le cadre plus général des JRC) présentée par Sophie Le Bouquin et collaborateurs (Anses)
  • Synthèse autour des performances et IFTA à partir de RENACEB: premiers résultats présentée par Guillaume Coutelet (Itavi)
  • Echanges et Perspective lors de la discussion générale

Avant l'intervention de D. le Cren sur le rappel de la démarche professionnelle, deux questions ont été posées à l'assemblée sur la démarche entreprise par la filière.

Q2 Le plan interprofessionnel de réduction d'usage des antibiotiques est-il aujourd'hui (2 réponses possibles)
69 + 58 réponses pour 73 boîtiers utilisés

Une proportion élevée des professionnels de l'élevage ou des métiers de santé pense que le plan n'est pas assez connu, alors que les personnes travaillant dans les métiers de l'alimentation sont plus optimistes. Les opinions par rapport au relais de l'information sont un peu plus homogènes
Q3 Comment évaluez-vous la démarche de tous les acteurs de la filière autour de la réduction de l'usage des antibiotiques ?
(1 réponses possible ) - 74 réponses pour 77 boîtiers distribués

Globalement la démarche est estimée satisfaisante mais les professionnels pensent en grande majorité qu'il est impératif de la poursuivre.

Les rapports de l'Anses sur les ventes des antibiotiques confirment que, si la démarche entreprise est un succès (chute de la consommation des antibiotiques en élevages de lapins), elle doit nécessairement être poursuivie car des progrès restent à faire.

Démarche interprofessionnelle de médication raisonnée
Dominique Le Cren (CLIPP)
En 2006 la filière a été confrontée à la présence de résidus de sulfamides dans certaines carcasses mises sur le marché. Une enquête poussée a alors été conduite pour déterminer l'origine de ces résidus. Un commission du Clipp a été constituée , incluant des représentant de chacun des maillons de la filière ainsi que des vétérinaires. Après un audit interne des abattoirs et une analyse des pratiques d'élevage, le problème a été résolu. En conclsion de son travail, cette commission a émis des recommandations pour un bon usage des médicaments et l'encadrement interprofessionnel de l'utilisation des sulfamides.
La poursuite de ce travail a conduit en 2009 à une décision conjointe du Clipp et de l'Anses de conduire une enquête approfondie sur l'emploi des antibiotiques en élevage cunicole. Le travail d'enquête et d'analyse a été réalisé courant 2009-2010 auprès d'une centaine d'éleveurs avec une forte implication des groupements de producteurs et des éleveurs eux-même. Il semble important de souligner que 80% des éleveurs sollicités pour participer à cette enquête ont répondu favorablement.
Ce travail d'enquête a permis de faire une mesure réelle de l'utilisation des antibiotiques. Il s'est avéré que les antibiotiques utilisés en cuniculture appartenaient principalement aux familles de molécules "anciennes" telles que les tétracyclines, les polypeptides (ex. bacitracine ou colistine) et les animnosides. L'usage des molécules "critiques" , celles qu'il conviendrait de réserver à la médecine humaine, était minoritaire et rare. L'administration par voie orale était (et est encore) la voie très nettement majortitaire d'utilisation des antibiotiques. Par ailleurs, cette enquête a permis de montrer qu'il y avait une très grande variabilité dans l'usage des antibiotiques d'un élevage à l'autre. La majorité des élevages avait une utilisation «moyenne» necéssitant cependant une évolution des pratiques collectives
Début 2011 les résultats de l'enquête conduite par l'Anses ont été disponibles et ont permis l'ouverture d'un chantier interprofessionnel de médication raisonnée à partir d'une base solide. Une charte spécifique à chaque maillon de la chaîne a été élaborée, chaque partenaire œuvrant à son niveau.

 

 

Les méthodes utlisées jusque là pour estimer globalement l'importance de l'utilisation des antibiotiques en production animale étaient imprécises ou inadaptées . Il s'agit principalement l'ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials) utilisé par l'Anses, mesurant le poids d'antibiotiques utilisés par kg de poids vif traité, le pourcentage des animaux traités aux antibiotiques par rapport à l'ensemble des animaux de même catégorie, les dépenses de santé (utilisées dans le GTE), le pourcentage d'aliment blanc, etc... L'ALEA par exemple présente l'inconvénient d'additionner les poids d'antibiotiques différents dans leur posologie. Ainsi pour l'ALEA si un premier lapin est traité avec la dose thérateutique de 200 ppm dans l'aliment (celle de son AMM) et si un second lapin est traité avec une autre antibiotique employé à 50 ppm, conformément à sa propre AMM, le premier lapin est considéré avoir reçu 4 fois plus d'antibiotiques que le second. Ceci crée un biais évident par rapport à leur utilisation réelle et aux risques de santé publique (apparition d'antibiorésistence, ...) quand on additionne les masses d"antibiotiques différents. Cela est particulièrement criant quand, comme le fait l'Anses, on compare ensuite les différentes espèces animales.

C'est pouquoi le groupe de travail incluant entre autres la filière cunicole (Clipp), les vétérinaires praticiens et l'Anses, sur une proposition de l'INRA Toulouse (Unité Tandem), a proposé que l'estimation de l'importance de l'utilisation des antibiotiques dans le cas du Lapin, soit mesurée par l'Index de Fréquence des Traitements antibiotiques , l'IFTA , en calculant un IFTA différent pour la maternité et pour l'engraissement. Le principe est de mesurer le nombre de jours cumulés de traitements, divisé par la période de référence. L'unité est le nombre de principes actifs (supposés utilisés selon la posologie prévue par leur AMM) par animal et par jour. Pour les femelles reproductrices, la période de référence de l'IFTAr est le cycle de reproduction (durée entre 2 inséminations consécutives) . Pour les lapins en croissance, la période de référence de l'IFTAc est la durée de vie des lapins (naissance => abattage).
La feuille de route que s'est donné la filière a été de réduire dès 2012 la fréquence d'utilisation des antibiotiques de 10% pour l'IFTAr et de 20% pour l'IFTAc par rapport aux valeurs calculées pour 2011.
En conclusion
de son exposé D. Le Cren a insisté sur le fait que la réduction de l'utilisation des antibiotiques est le fruit d'une décision personnelle de chaque éleveur pour répondre à une demande collective. Il est donc nécessaire que tous les membres de la filière agissent de façon concertée pour soutenir les éleveurs.

        A la suite de cet exposé, une discussion s'est engagée sur l'évolution actuelle de l'antibiorésistance des bactéries en France . Dans sa réponse , le Dr S. Boucher a précisé qu'il n'est pas possible de répondre pour l'instant. Depuis de nombreuses années le réseau RESAPATH centralise bien les antibiogrammes réalisés sur les principales bactéries pathogènes des différentes espèces , y compris le lapin (voir présentation rapide), mais son travail consiste à centraliser des antibiogrammes réalisés , puis à proposer des recommandations pour faire les bons antibiogrammes dans les laboratoires vétérinaires . Le but est d'identifier les antibiotiques auxquels les souches bactériennes observées en élevage sont effectivement sensibles, en vue d'un traitement. Mais le réseau finalement ne sait pas quel antibiotique sera effectivement utilisé sur le terrain, à la suite de l'antibiogramme. Donc il ne peut pas efficacement relier l'éventuelle évolution de la résistance des bactéries pathogènes observées à la fréquence de l'usage des différents antibiotiques dans les élevages. Il y a encore un grand besoin de formation / information des éleveurs qui ne voient pas ce qui se passe.
         De plus, en santé animale, la problématique de l'antibiorésistance n'est pas (seulement) celle des germes pathogènes mais (ausi) celle de la flore commensale de l'animal (flore portée au niveau du tube digestif, de la peau et des muqueuses) : en effet, cette flore non pathogène peut elle aussi transmettre des gènes d'antibiorésistance.
        
En tout état de cause, il faut probablement plusieurs années pour espérer constater une évolution de l'antibiorésistance en réponse à la réduction de la fréquence d'emploi des antibiotiques. En particulier on ne sait pas si , pour une espèce de bactéries donnée, le fait de posséder un gène de résistance à un antibiotique particulier représente ou non un handicap par rapport au fait de ne pas posséder ce gène. Si c'est un handicap, lorsque l'antibiotique disparaît de l'environnement de cette espèce de bactéries, les individus ne possédant pas le gène prennent rapidement le dessus (et seront détruites par cet antibiotique si on l'emploi à nouveau). Dans le cas contraire on assiste simplement à une dilution des bactéries porteuses du gène de résistance parmi l'ensemble des bactéries de cette espèce. Des études scientifiques récentes portent sur ce coût de l'antibiorésistance pour les bactéries afin de mieux appréhender des moyens de lutte.

Après cette discussion, deux questions ont été posées à la salle sur la réduction de l'utilisation des antibiotiques dans les élevages de lapins
Q4 Selon vous, quelle est la motivation principale à la réduction de l'usage des antibiotiques pour un éleveur ?
(2 réponses possibles) - 130 réponses effectives par 77 boîtiers utilisés
Si le souhait d'améliorer l'image du lapin est très important pour les personnes du secteur santé ou la recherche, c'est beaucoup moins vrai pour les producteurs eux-même. Globalement la motivation principale pour réduire l'usage des antibiotiques est le souhait de réduire le budget santé dans les élevages, suivie de près par l'espoir d'améliorer l'image de la production, ces deux motivations représentant 68% de l'ensemble des réponses
Q5  Selon vous, quel est le principal frein à la réduction de l'usage des antibiotiques pour un éleveur ?
(2 réponses possibles) - 145 réponses réelles par 77 boîtiers utilisés
La peur de la mortalité et la fragilité du contexte sanitaire au sein des élevages sont clairement considérés comme les deux principaux freins à la réduction de l'usage des antibiotiques quelque soit la catégorie professionnelle. La seule nuance concerne les professionnels de l'élevage pour lesquels la crainte d'une baisse des performances vient en seconde position. Globalement, ces deux motivations concentrent 71% du total des réponses.
Facteurs humains et consommation d'antibiotiques en filière cunicole :
Etude de quelques déterminants psychologiques.

Sophie LE BOUQUIN (Anses)

S. LE BOUQUIN, G. ROUXEL, E. MIHOC, V. CHAUVEAU, F. TERRADE, C. CHAUVIN. 2013. Facteurs humains et usages des antibiotiques en filière cunicole : Etude de quelques déterminants psychologiques. 15èmes Journées de la Recherche Cunicole, Le Mans 19-20 Nov. 2013, 115-119. .(texte communication)

Résumé de la communication : L’étude conduite en 2009-2010 par l’Anses sur la caractérisation de l'usage des antibiotiques en élevages cunicoles a permis d’identifier des facteurs techniques, structurels et sanitaires susceptibles d’expliquer environ 50% de la variabilité des usages. L’année suivante, deux enquêtes, fondées sur des modèles psychosociologiques validés, ont été réalisées à partir du même échantillon d’éleveurs. Elles visaient à évaluer l’impact de facteurs humains au travers de deux questions principales : 1) Quelle est l’influence des caractéristiques psychologiques de l’éleveur, en particulier de certains aspects de sa personnalité ainsi que de sa perception du stress, sur son usage des antibiotiques? 2) Quels peuvent être les facteurs susceptibles de motiver une réduction des usages ? Une meilleure connaissance de ces différents facteurs psychologiques devrait permettre de développer des outils de communication et des leviers d’action adaptés à l’évolution des pratiques d’utilisation vers un usage restreint, considéré aujourd’hui comme primordial.

En 2009 et 2010 une étude de l’Anses visant à caractériser et à expliquer les usages d’antibiotiques dans la filière cunicole a été réalisée. Cet état des lieux a permis de mettre en évidence une très grande variabilité des usages et d’identifier des facteurs potentiellement à risque, à la fois structurels, sanitaires ou zootechniques associés à cette utilisation. Toutefois, ces facteurs classiquement étudiés en épidémiologie animale n’expliquaient que 50% de la variabilité des usages. L’importance du facteur humain, bien que suggéré dans cette étude, n’a pu être exploré pleinement. Or, le rôle de la dimension humaine sur la conduite d’élevage n’a été abordé que dans quelques rares études, essentiellement en filière bovine mais aussi en filière porcine, et toutes soulignent son importance. La présente étude a donc pour objectif une première analyse du facteur humain dans la décision des éleveurs d'utiliser plus ou moins d'antibiotiques.
Deux études ont été conduites
1/ L’étude de la vulnérabilité individuelle face au stress susceptible d’être engendré par la possibilité de subir des pertes importantes dans un élevage a été réalisée au travers de l’analyse de déterminants contextuels et psychologiques (dispositionnels et transactionnels). Elle prend appui sur le modèle de Lazarus et Folkman (1984) qui décrit «l’ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et l’événement perçu comme menaçant pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur son bien-être physique ou psychologique », autrement appelé «processus de coping» (littéralement « faire face »). Il intègre les notions de stress perçu (évaluation subjective primaire faite par l’individu lui-même intégrant son état émotionnel et somatique), de contrôle perçu (évaluation secondaire des ressources personnelles de l’individu pour faire face à la situation) et enfin de soutien perçu (évaluation des ressources sociales et de l’aide qui pourra être apportée par l’entourage).

2/ La Théorie du Comportement Planifié repose sur le postulat que le comportement humain, pour être effectif, doit d’abord être décidé/planifié. Elle part du principe que le comportement est induit par une combinaison d’attitudes personnelles et de normes sociales. Trois types de variables sont pris en considération dans ce modèle :
- l’attitude face au comportement, c'est-à-dire la croyance qu’il (l'éleveur) peut avoir que son comportement aura probablement des conséquences.
- la norme subjective, Elle regroupe les pressions sociales perçues par l’individu pour réaliser, ou non, un comportement
- le contrôle comportemental perçu. Ceci renvoie à la perception qu’une personne à de sa propre capacité à exécuter le comportement concerné
Appréhension des traits de personnalité des éleveurs et de leur perception du stress
        Les éleveurs dont l’élevage cunicole est l’activité principale utilisent en moyenne significativement moins d’antibiotiques que les autres (P =0,038), de même que ceux qui ont un niveau de revenus plus élevé (P< 0,001). Enfin, l’usage des antibiotiques est corrélé à deux variables transactionnelles : plus le stress est perçu comme un défi par l'éleveur et plus la perception de contrôle est élevée, moins l’usage des antibiotiques est important dans son élevage.
Parmi les 3 facteurs dispositionnels, seule la variable «Evitement du danger» a été conservée car c’est la seule qui entretient des liens à la fois avec certaines des variables contextuelles et transactionnelles mesurées. Cette variable «Evitement du danger» tend à augmenter le stress perçu comme un défi à relever.

Facteurs perçus par l’éleveur comme susceptibles de motiver une réduction et théorie du comportement planifié
    
Au total, 85 éleveurs ont répondu au questionnaire dont 76 avaient été impliqués dans l’estimation des quantités utilisées en 2009. Parmi eux, 62 ont permis l’estimation de l’évolution des quantités utilisées entre 2009 et 2010.
       
L’analyse descriptive des réponses permet de dégager les résultats suivants (Figure ci-contre). Si aucun éleveur n’est convaincu du caractère indispensable des antibiotiques, la grande majorité d’entre eux déclare une attitude médiane et estime que l’incorporation régulière d’antibiotiques dans l’eau de boisson ou l’alimentation des animaux est nécessaire. Plus d’un quart des éleveurs déclare toutefois tout à fait envisageable d’utiliser des aliments blancs sur son élevage. Concernant la norme sociale et la perception d’autrui, on note très peu d’avis tranchés aux différentes questions posées et ainsi une attitude globale médiane vis-à-vis de la pression sociale.
         Enfin, la part du contrôle perçu, c'est-à-dire la croyance en l’existence d’alternatives aux antibiotiques est importante. Ainsi, les mesures d’hygiène et précisément l’aménagement des bâtiments d’élevage sont considérées comme efficaces pour limiter l’utilisation des antibiotiques en général et plus particulièrement à titre préventif. Les éleveurs ne partageant pas ces idées sont très rares.

Conclusion
Les résultats présentés dans ces études sont des arguments empiriques en faveur de la prise en compte des facteurs humains dans les études de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire. Nous avons montré que l’utilisation d’antibiotiques dans les élevages cunicoles est influencée d’un côté par des déterminants contextuels tels que le niveau de revenus et l’activité principale de l’exploitation et de l’autre par des déterminants transactionnels tels que le stress perçu comme un défi et surtout le contrôle perçu. L’encadrement technique ainsi que l’amélioration des mesures d’hygiène et de biosécurité ressortent comme des leviers d’action primordiaux dans le processus de démédication. Ainsi, pour faire évoluer les pratiques d’utilisation vers un meilleur usage, ces résultats sont importants à intégrer dans la stratégie de communication à mettre en œuvre par les équipes d’encadrement. Ils devraient permettre à cette filière de poursuivre les efforts engagés et de lever les freins encore existants à l’application des mesures de réduction des usages.

De la discussion qui a suivi cet exposé est ressorti l'idée importante que c'est l'éleveur qui prend les risques à sa charge. Une démarche bien structurée au sein de la filière doit lui permettre de stimuler son adhésion à la démarche de médication raisonnée. Deux questions ont alors été posées à la salle sur les freins à l'emploi des IFTA comme outil de mesure de l'utilisation des antibiotiques et sur la faisabilité de la réduction de l'usage des antibiotiques en élevage, réduction demandée par la filière.
Q6   Selon vous, quels sont les freins au calcul des indicateurs IFTA ?
(une seule réponse autorisée) - 76 réponses réelles pour 77 boîtiers distribués
La première remarques est qu'une proportion très élevée (43%) des personnes ne se sent pas en mesure d'apporter une réponse pertinente à la question, en particulier les chercheurs. Alors que pour les personnes des secteurs alimentation ou santé le frein principal est un facteur technique - le manque de temps -, pour les professionnels de l'élevage le premier frein est psychologique - la crainte d'avoir à communiquer les résultats -.
Q7  Les efforts de réduction de l'usage des antibiotiques demandés par la filière (CLIPP) correspondent-ils à un objectif :
(1 réponses possibles) - 75 réponses réelles pour 77 boîtiers distribués
Pour l'ensemble des catégories professionnelles (76%) l'objectif d'une réduction de l'usage des antibiotiques est réaliste à condition qu'un travail technique et sanitaire important soit réalisé. Les chercheurs sont les plus optimistes puisque 31% estiment que l'objectif est possible pour tous les élevages. Il faut enfin souligner que seules deux des personnes ayant utilisé les boîtiers pensent que l'objectif est irréaliste.
IFTAr et IFTAc des éleveurs de lapins. Analyse via le programme RENACEB , Résultats 2012
Guillaume COUTELET (Itavi)

Le réseau RENACEB, mis en place depuis 1995 a pour objectif de suivre les performances de gestion techniques et économiques (GTE) des élevages français conduits en bandes. Il permet d'établir chaque année des références nationales techniques et économiques en élevage cunicole. Il permet aussi de mesurer l’évolution saisonnière des résultats au cours de l’année.

A partir de 2012, les IFTA ont été inclus dans la liste des critère mesurés. Il a ainsi été possible de créer un observatoire GTE des IFTA. Son objectif est de pouvoir disposer d’un indicateur plus pertinent que celui des dépenses de santé (volet purement financier déjà présent dans les GTE). Le calcul des IFTAr et IFTAc élaborés par l’INRA et validé par le CLIPP et l’ANSES, est capable de mettre en évidence et de chiffrer les variations d'utilisation des antibiotiques et de les mettre en relation avec les autres performances techniques (niveau de productivité, pertes en cours d'élevage, poids à l’abattage, saisies...). Les résultats sont disponibles pour 2012. Les premières données de 2013 sont encore trop éparses pour qu'il ait été possible de les incorporer dans cette analyse qui est donc limitée à 2012.

A la suite de l'exposé de G. Coutelet, il a d'abord été souligné que les réductions des IFTA observées en 2012 ont été plus marquées que celles qu'avait fixé l'interprofession en 2011. Ensuite, la question a été posée d'un éventuelle liaison entre l'accroissement du taux de saisies dans les abattoirs et la réduction des IFTA dans les élevages . Comme le montre le graphique d'évolution depuis 2008, le taux de saisies en abattoir s'accroît effectivement de 1,1-1,4% en 2008 à environ 1,8% en 2012. Mais l'analyse plus détaillée de l'année 2012 montre qu'il n'y a aucune corrélation chronologique entre l'évolution des valeurs des IFTA (voir plus haut) et celle des taux de saisies en abattoirs (ci-contre), ainsi que cela avait été mentionné au cours de l'exposé.
A la suite de cet exposé et avant la discussion générale, deux questions ont encore été posées à l'assistance en relation avec les moyens et les directions qu'il faudrait privilégier pour continuer à réduire l'utilisation des antobiotiques
Q8 Sur le terrain, quels sont les 2 leviers techniques que vous travaillez en premier pour réduire l'emploi des antibiotiques ?
(2 réponses possibles ) - 131 réponses par 69 boîtiers actifs
Il apparaît clairement que le travail sur les conditions d'abreuvement n'est pas une voie qui est considérée comme intéressante. Les deux leviers d'action que l'assistance considère comme les plus efficaces actuellement en élevage sont l'ambiance et l'alimentation des animaux. L'hygiène et la biosécurité viennent juste derrière. Il faut remarquer que les professionnels de l'élevage mettent très clairement l'alimentation en avant (46,7%) tandis que les professions de santé mettent l'ambiance dans les élevages en premier point (36.8%).
Q9 Quels sont les 2 thèmes prioritaires pour la filière pour aider à réduire l'usage des antibiotiques : Une meilleure connaissance ...
(2 réponses possibles) - 143 réponses par 74 boîtiers actifs
Pour la réponse globale il n'apparaît pas de thème réellement prioritaire par rapport aux autres. On peut cependant souligner que l'amélioration des connaissances sur les conditions d'ambiance remporte approximativement deux fois plus de suffrages que celles de la résistance génétique aux maladies. Si on regroupe l'amélioration des connaissances sur les maladies et celles sur l'immunité, ayant toutes deux une relation très directe avec la santé des lapins, le total représente plus du tiers des suffrages pour les différentes catégories professionnelles, à l'exception notable des professionnels de l'élevage qui mettent l'accent surtout sur l'ambiance et l'alimentation (55% des réponses si on regroupe ces 2 derniers items pour ce groupe professionnel).
Discussion générale

Les 4 intervenants de la session lors de la discussion générale.

De gauche à droite
Guillaume Coutelet - Chantal Davoust - Dominique Le Cren - Sophie Le Bouquin

Lors de la discussion générale il a été précisé que l'ANSES, avec l'appui d'une école de statistique, travaille actuellement à une analyse plus fine des données de l'enquête sur l'utilisation des antibiotiques en élevage cunicole. Il est prévu que l'Anses retourne chez les éleveurs ayant participé à l'enquête pour valider/analyser les itinéraires techniques qui auront été identifiés par l'analyse statistique.

Utilisation des médicaments en France
La discussion a tourné ensuite autour de l'évolution de l'utilisation des médicaments vétérinaires en France. L'Anses a publié en octobre 2013 son rapport annuel sur l'utilisation des médicaments vétérinaires en France, rapport réalisé conjointement avec l'Agence Nationale du Médicament Vétérinaire . Il en ressort que toutes espèces animales confondues, l'exposition globale des animaux aux antibiotiques en 2012 a diminué de 6,1 % par rapport à l'année 2011. Le niveau d'exposition en 2012 revient à un niveau voisin de celui de 1999, année de lancement du plan de surveillance (+ 1,1 %).

Cette évolution globale est nuancée en fonction des espèces de destination et des familles de molécules. Ainsi, Entre 2011 et 2012, l'exposition aux antibiotiques a diminué de 19,9 % pour les lapins, de 10,1 % pour les porcs, de 8,4 % pour les carnivores domestiques, de 5,6 % pour les volailles et de 0,6 % pour les bovins. Pour les lapins, l'exposition estimée aux antibiotiques a augmenté entre 1999 et 2004 et diminue depuis. Ainsi l'ALEA (voir sa définition ci-dessus dans l'exposé de D. Le Cren) a diminué de 29,9 % sur les 5 dernières années et de 19,9 % entre 2011 et 2012. L'exposition globale est inférieure en 2012 de 11,2 % par rapport à celle mesurée en 1999. Sur ces 5 dernières années, l'exposition aux Pleuromutilines, aux Quinolones, aux Sulfamides, aux Tétracyclines et au Triméthoprime a diminué de plus de 30 %. Les résultats obtenus sont à mettre en relation avec les efforts de réduction de l'utilisation des antibiotiques et en particulier avec la charte interprofessionnelle mise en place en décembre 2011
En 2012, les lapins ont été traités majoritairement avec des Tétracyclines (oxytétracycline, doxycycline, ...) , des Aminoglycosides (apramycine, ...), des traitements à base de Sulfamides et Triméthoprime, des Polypeptides (colistine et bacitracine, ...) et des Pleuromutilines (tiamuline, ...). Dans son rapport , l'Anses montre que la durée moyenne des traitements a fortement diminué. Si en 1999, en moyenne, toutes voies et familles confondues, un traitement de lapins durait 18,7 jours, en 2012, un traitement a duré en moyenne 9,9 jours. Pour un médicament donné, la durée de traitement définie dans l'AMM n'a, en général, pas évolué depuis 1999 . Le réduction du temps de traitement correspond en fait à une modification des pratiques, avec une diminution des traitements longs (notamment via les prémélanges médicamenteux introduits dans les aliments ) remplacés par des traitements via l'eau de boisson administrés sur une plus courte période.

Utilisation des médicaments dans les différents pays européens
Plusieurs pays européens ont un système de surveillance des ventes / utilisations des médicament sur leur territoire. Une coordination du suivi des ventes d'antibiotiques au niveau européen a été mise en place en 2010 à l'EMA (Agence européenne des médicaments). La France a participé activement à ce processus.
Trois rapports on été publiés. Le dernier rapport a été publié en octobre 2013 et concerne les ventes de 25 pays européens pour l'année 2011. Les résultats présentés sont des résultats de ventes d'antibiotiques toutes espèces confondues et sont exprimée en mg/PCU (PCU : Population Correcting Unit ; 1PCU= 1kg animal). Les pays les plus grands utilisateurs d'antibiotiques (par rapport à leur production animale) sont Chypre, l'Italie et l'Espagne. La France (117 mg/PCU) se situe dans la moyenne des pays européens (111 mg/PCU) .

 

Les ressortissants de différents pays européens présents dans la salle ont donnés un aperçu de la situation quant à l'utilisation des antibiotiques dans le secteur cunicole au sein de leurs pays respectifs
Italie : Il n'y a pas d'interprofession cunicole en Italie et pas d'analyse globale de la consommation d'antibiotiques. Toutefois un groupe de travail analyse leur utilisation dans 50 élevages "pilotes" L'unité de mesure retenue est la quantité d'antibiotiques utilisée par kg de viande produite. Elle est exprimée en unités thérapeutiques / kg de viande. Ce critère a été réduit de 20 à 30% entre 2011 et 2012. Depuis le début 2013 la tendance est à une diminution de l'ordre de 15%. Il existe en Italie une forte demande de la société civile pour une bonne maîtrise du risque sanitaire lié à la consommation de la "viande" en général. Autrement dit la société italienne semble plus sensible à la présence d'éventuels résidus d'antibiotiques dans la viande qu'à l'apparition d'une antibiorésistance chez les bactéries pathogènes. Il a d'ailleurs été précisé que pour espérer accroître la consommation, de viande de lapin en Italie, il faut minimiser l'emploi des produits «chimiques» dans la chaîne de production.
Espagne : La situation technique et économique de ce pays est très différente de celle de la France. Aucune statistique sur l'usage des antibiotiques en élevage cunicole n'est disponible. Il y a cependant des actions de sensibilisation des éleveurs à la réduction de l'emploi des antibiotiques. Mais le fait que les producteurs soient peu organisés limite beaucoup ce type d'action. Au plan pratique, ce qui est fait concerne surtout la maîtrise de l'alimentation et de l'ambiance, et cela coûte cher aux éleveurs.
Belgique et Pays Bas : Dans ces pays, chaque élevage doit avoir un vétérinaire responsable seul habilité à y effectuer des prescriptions. Un groupe de travail a défini une feuille de route, qui prévoit une réduction de l'usage des antibiotiques de 50% entre 2010 et 2020. Les actions de sensibilisation sont conduites principalement auprès des vétérinaires, par exemple sur le rôle de la prévention ou l'usage des vaccins. Mais il faut bien prendre en compte que dans ces deux pays, la filière cunicole est une toute petite filière par rapport aux autres productions et le lapin suit les règles générales adoptées pour les autres animaux.
Conclusions

En conclusion des différentes présentations et des échanges avec les personnes présentes dans la salle, on peut retenir les points les plus saillants montrant que l'action entreprise par la filière a donné des résultats très positifs.

  • Volontarisme et prise de conscience générale avec des résultats mesurés par l’ANMV/ANSES
  • Proposition d'indicateurs pertinents pour mesurer l'usage des antibiotiques : IFTAr et IFTAc
  • Plus de 500 éleveurs suivent ces indicateurs dans leur élevage
  • Une charte d'engagement des individus comme des entreprises a été rédigée et 80% des personnes ou structures concernées ont déjà signé cet engagement.
  • La force de la démarche interprofessionnelle vient du travail réalisé collectivement, dans le respect du rôle de chaque maillon et de l’implication des organisations vétérinaires.

Tout ceci montre que la mobilisation collective a été efficace mais la démarche engagée doit être poursuivie

  • Les objectifs doivent rester d’application progressive et réaliste
  • Il faut prendre en compte le facteur humain
  • Il convient de travailler par étapes, selon les situations zoo-sanitaires des élevages
  • Il est nécessaire d'approfondir la connaissance des leviers techniques : étude sur les conditions d’ambiance en élevage + étude sur les facteurs de baisse de la consommation d’antibiotiques, en collaboration avec l’ANSES
  • La mise en œuvre des conclusions de ces études nécessitera encore des efforts de formation-information
  • Les voies de recherche sont multiples; certaines sont déjà bien engagées comme le projet RELAPA sur la résistance des lapins à la pasteurellose. D'autres devront être développées comme les recherches sur l'immunité du lapin aux différents âges
  • Des voies nouvelles ont aussi été ouvertes lors de ces Journées de la Recherche comme les différents travaux sur le lapereau au nid dont certains sont très innovants et peuvent apporter des éléments importants concernant l'antibiorésistance.


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